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Manipuler (l'exemple de l'Histoire)

Dernière mise à jour : 23 juil.

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apprendre & explorer


Lili-Rose, 13 ans, en pleine exploration de l'Histoire

Souvent, lorsque l'on pense pédagogie active, manipulation, c'est l'image d'enfants en bas âges en train de manipuler du matériel coloré qui nous vient à l'esprit. On imagine une activité sensorielle, un atelier Montessori...

Pourtant, apprendre en manipulant est une façon de mémoriser des connaissances, quel que soit l'âge. Cette manière d'étudier ouvre les champs de l'exploration, de la recherche et développe des compétences variées comme l'intelligence visuelle (par la construction d'image mentale), la réflexion ou encore l'expression.


A TOUT ÂGE

A tout âge, nous devrions avoir la possibilité ou le reflexe d'utiliser cet outil pour apprendre. A 13 ans, Lili-Rose l'utilise encore pour 70% de ses apprentissages.

Mais apprendre en manipulant n'est pas un "remède miracle" qui peut être utilisé dans n'importe quel contexte. Je pense qu'il est d'autant plus efficace que lorsqu'il est lié à l'apprentissage auto-dirigé, là où l'enfant est au cœur de ses apprentissages, en prend les rênes.


AVEC TOUS LES SUJETS

J'aime à penser que tous les sujets, toutes les matières, peuvent être abordées en manipulant. Manipuler des documents, des étiquettes, des objets, du matériel pédagogique, des matières... Tout est possible !

Pourvu que cela s'insère dans un contexte, et fasse sens pour l'apprenant.

Pour exemple, j'avais acheté un jeu de cartes pour apprendre l'orthographe. La boîte était estampillée "méthode facile et de ludique". Rapidement, nous constations que cela ne convenait pas à Lili-Rose, elle trouvait cela... "bête et stupide".

Manipuler pour manipuler ne sert donc à rien. Cela doit convenir à l'enfant, faire sens pour lui. Finalement, elle a appris l'orthographe de façon visuelle, simplement en lisant des livres (j'en parle dans cet article).


Au fil des années, j'aime toujours imaginer des ateliers de manipulation pour Lili-Rose. Même si les "ressources papiers" prennent souvent plus de place maintenant que le matériel, les objets.


Pourtant, récemment, lors d'une séquence sur l'Histoire, figurines, map monde, livres, feutres de toutes les couleurs, étiquettes... étaient de sortie ! Voici un exemple d'un moment d'apprentissage autour de la manipulation sur le thème des grandes périodes de l'Histoire.


UN EXEMPLE CONCRET, L'HISTOIRE

Lili-Rose apprécie que ces ateliers de manipulation soient une surprise. Elle découvre tout le matériel que j'ai installé et n'a qu'une envie: s'y mettre !

L'idée d'un atelier de manipulation et son thème arrive souvent en observant Lili-Rose, selon l'étude du moment, ses envies, les miennes. Parfois, j'ai le matériel sous la main et j'arrive rapidement à lui proposer quelque chose, parfois cela me prend plus de temps pour recolleter les documents, le matériel... C'est ce qui est arrivé pour cette séquence où collecter les petites figurines historiques ( je voulais les acheter en seconde main) m'a pris plusieurs mois. Cela n'avait pas d'importance, nous ne nous claquons pas sur le rythme scolaire, ni le programme, nous avons tout le temps.


Depuis septembre, je fais la lecture à Lili-Rose du livre La grande Histoire du monde de François Reynaert aux éditions Livre de Poche. Malgré la narration que Lili-Rose me faisait à la fin de chaque séance et au début de chaque nouvelle séance de lecture, me retranscrivant ce qu'elle avait retenu, le fil précis de l'Histoire avait du mal à se fixer dans sa mémoire. Retenir les tenants et les aboutissants de chaque période, l'évolution des grandes civilisations les unes par rapport aux autres, lui tenait particulièrement à cœur. Elle ne voulait pas particulièrement écrire tout cela dans un cahier, jugeant que cela ne lui apporterait pas plus pour retenir tout ça. Elle était donc un peu dans l'impasse.


Malgré tout, nous continuions d'avancer dans la lecture de ce livre passionnant, pendant que je réfléchissais à introduire la manipulation dans nos séances. Très vite, je repensais à cette fois où nous avions étudié les migrations germaniques et où nous avions utilisé de petites figurines pour imiter sur une carte les "invasions barbares" (article ici).

J'imaginais maintenant la même chose mais en plus grand, voulant rejouer de l'apparition de l'homme jusqu'aux grandes découvertes des Portugais (là où nous en étions arrivé dans le livre de François Reynaert).

Je guettais donc les figurines historiques de chez Safari LTD sur Vinted, Le Bon coin... et pendant ce temps, je nous équipais de grandes cartes que je voulais plastifiées, une de l'Europe et une map monde. Les grands noms de l'Histoire que je n'arrivais pas à figurer (Vercingétorix, Charles Martel, Charlemagne...), je les créais en scannant puis imprimant sur du papier fort les personnages des livres Quelle Histoire dont j'avais besoin. Bientôt, il ne me manquait plus qu'à acheter quelques feutres effaçables de couleur, ajouter nos livres d'Histoire (ressources en bas de l'article), du calque, des étiquettes...

Enfin, tout le matériel était réuni pour rejouer et revoir ce que nous avions lu et commenté pendant des mois.

Je proposais l'atelier à Lili-Rose dans une certaine excitation.




Manipulation et expression autour de la Grèce Antique

Je passe sur le bonheur de Lili-Rose à voir cette profusion de nouveaux outils à se mettre sous la main... Aussitôt, je lui expliquais le principe (mais qui était finalement très intuitif), en précisant qu'elle pourrait se lancer immédiatement, avec les connaissances qui lui restaient à l'esprit, mais que je serai là en soutien avec le livre La Grande Histoire du Monde" pour lui redonner des pistes, ou bien que nos autres livres d'Histoire étaient là à sa disposition, et une tablette, pour chercher les données qui lui manquaient.


En quelques instants, nous nous plongions dans le paléolithique, les australopithèques et tous ceux qui suivirent...


Lili-Rose se réfère aux divers documents pour retrouver les dates clefs qu'elle ajoute sur la carte à l'aide d'étiquettes.

Bien entendu, il fut difficile pour moi de ne pas me prêter au jeu. L'Histoire m'était tellement passée au-dessus lorsque j'étais à l'école... Maintenant, je trouvais ça passionnant !

Au feutre effaçable, sur des cartes plastifiées, Lili-Rose peut modifier les contours des frontières des pays, du monde, en fonction de l'évolution, des siècles.

La carte du monde a bien changé depuis les début de l'Homme, il suffisait se remémorer cela, de regarder une carte de l'époque dans un livre, pour se resituer dans le contexte. Le travail de Lili-Rose sur la carte actuel n'en était pas moins valable ni intéressant. Avec les feutres, les étiquettes, les calques, elle pouvait modifier la carte et ses frontières à sa guise, ajouter des flèches pour retranscrire les flux et tout ce qu'elle souhaitait noter...

Un travail interactif passionnant.


Lili-Rose jongle entre la carte de l'Europe et celle du Monde, selon les périodes de l'Histoire qu'elle retrace.

Bien entendu, il a fallu plusieurs séances pour arriver jusqu'aux Grandes Découvertes puisqu'elle avait revu ainsi la Préhistoire, l'Egypte Antique, la Grèce, les romains, les invasions barbares, l'apparition du christianisme, de l'islam, les conquêtes arabes, la renaissance de l'Empire d'Occident, le Saint Empire, l'Âge féodal, les Vikings...


Quelle impatience nous avions de continuer chaque jour cette sorte de jeu.

Lili-Rose enchaîne les périodes, ici l'Egypte Antique, selon ses propres souvenirs ou au fil de ma lecture du livre d'Histoire.

Au fil de ma lecture, Lili-Rose bougeait les figurines, annotait, commentait, se souvenait, puis reprenait la main sur le fil de l'Histoire, elle décidait que telle figurine serait tel personnage important (donnant lieu à quelques fous rires...).


A la fin de ce cycle où la manipulation avait été le principal outil de Lili-Rose, nous décidions d'un commun accord de rejouer tout cela dans quelques semaines. Il est certain que face à tant d'émotions, d'enthousiasme et de joie, de gestes et de visuel, beaucoup de choses s'étaient inscrites, cette fois, durablement dans son esprit. Et dans le mien.


Aujourd'hui, nous poursuivons la lecture de La Grande Histoire du Monde, désormais avec l'impatience de rejouer les nouvelles périodes que nous aurons vu. Lili-Rose retiendra peut-être probablement plus d'éléments lors de la lecture, en vu de cette nouvelles séance de manipulation.


Cette exemple illustre la complémentarités des approches: le livre, la lecture comme base pour manipuler.


DU JEU OU PAS DU JEU?

Lili-Rose apprend donc t-elle "en jouant" ? Est-elle refractaire à toute "étude pénible" ou "formelle" ? A-t-elle le sentiment de jouer lorsqu'elle manipule des figurines pour apprendre ou réviser l'Histoire ?

Oui et non.

Bien entendu, ce moment est différent de celui où elle part jouer dans la nature, de celui où elle passe des heures à décorer ses Sylvanian Families. Dans ce sens, manipuler ne fait pas partie du domaine du jeu. Le jeu libre.


Toutefois, il y existe quelque part dans le domaine du jeu, cette frange qu'est l'esprit ludique.

L'esprit ludique ne s'insuffle pas via un matériel (tel jeu d'apprentissage estampillé "ludique" peut s'avérer barbant pour un enfant, comme Lili-Rose l'avait vécu avec l'orthographe).

L'esprit ludique se met en place et siège en la personne, en fonction de son vécu, de ses intérêts, ses expériences, du moment...

Être maître de ses apprentissages et pouvoir apprendre de façon variée et créative (soit parce qu'elle crée sa propre séquence soit parce que je lui crée moi-même en utilisant toute ma créativité) rend l'esprit de Lili-Rose ouvert, en appétit. Et ludique.

En permanence et pour tous les domaines.

La manipulation, d'objets, de matériels, de documents font clairement partie de cet enthousiasme à apprendre.


Manipuler pour apprendre n'est donc pas totalement un jeu à proprement parlé pour Lili-Rose mais plutôt un outil plaisant qu'elle consent à utiliser parce qu'il lui correspond bien pour intégrer des connaissances. Comme bien souvent, lorsque quelque chose nous correspond, cela nous met en appétit, en enthousiasme. L'esprit ludique se met en marche. Ce qui augmente chez Lili-Rose (comme chez tout individu) son désir et son plaisir à apprendre.

Apprendre est donc une des facettes du jeu pour elle.

La boucle est bouclée.


MANIPULER, MAIS PAS QUE ?

Si un enfant apprend uniquement de cette façon, ne rejette t-il pas ensuite à se mettre à des tâches plus rudes, des façons d'apprendre plus formelles ?

Ici, en tout cas, ce n'est pas ce qui se produit. Pourtant, depuis toute petite, Lili-Rose a toujours connu l'apprentissage auto-dirigé et la manipulation majoritairement. Ce qui ne l'empêche pas de jongler avec du formel en grandissant, d'utiliser à da guise des manuels scolaires (5e/4e/3e/seconde, tout en même temps) parce qu'ils correspondent à son besoin du moment ou à son profil cognitif.

Des tâches ardues comme entamer la lecture de l'intégral des Rougon-Macquart n'ont pas été entravées par la pratique de la manipulation. Au contraire, il peut paraître sain, d'utiliser tout son être pour apprendre, de bouger, de s'engager. Corps et esprit.


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