A 6 ans à peine, la phobie scolaire tombe sur Lili-Rose, sans prévenir. Son corps et sa tête hurlent un problème, un décalage, quelque chose à découvrir.
Rapidement, une psychologue relève un fonctionnement atypique, voir autistique...
Il est vrai que dès ses premiers mois, Lili-Rose nous surprend par son hypersensibilité au bruit, ses décompensations et son avidité incroyable pour les objets qui l'entourent.
Très rapidement, elle est capable de nous écouter lui lire des livres, les regarder, il n'y en a jamais assez !
A 6 mois, elle dit ses premiers mots, rapidement ce sont des phrases. Elle aime utiliser des mots complexes, qui claquent dans la bouche, ou bien des mots longs ou encore à la tonalité incongrue. Elle s'extasie devant des paysages, les trouvent beaux. Un jour, nous l'emmenons au musée, à un vernissage, c'est la première fois. Elle est si contente qu'elle répète plus de 100 fois sur le trajet en voiture "on va au musée ! on va au musée !". Il s'agissait d'écholalie mais à l'époque nous ne connaissions pas. Comment s'inquiéter réellement, quand soi-même on fonctionne comme ça.
Petite, les alignements faisaient aussi partie de mon quotidien. En grandissant, Lili-Rose adorait jouer à aligner, organiser, trier, elle y passait des heures et des heures. Ca semblait l'apaiser, la fasciner. Elle inventait des tas d'histoires, son imaginaire semblait sans borne.
A la crèche, on la trouvait très sensible au bruit. Quand elle rentrait à la maison, c'était une tornade. Son entrée à l'école a été compliqué, jugée timide par les maîtresses, elle n'allait pas vers les autres, elle était très anxieuse et toujours stressée, surtout si il avait des évènements inhabituels comme une sortie au cinéma, un jeu collectif... Nous avions aussi détecté un certain perfectionnisme. Là encore, je pensais que nous étions identiques, le même tempérament.
Et puis il y avait aussi les crises, de colère, d'angoisse, son exigence qui nous vampirisait, son énergie débordante, ses demandes incessantes. Nous étions perpétuellement... fatigués !
Simultanément, les intérêts spécifiques sont apparus, assez atypiques, mais là encore, nous louions simplement sa créativité, sans s'inquiéter ! Lili-Rose était passionnée par les enclos. Elle créait des enclos pour animaux avec tout ce qu'elle trouvait dans la maison. Souvent, ils restaient exposés plusieurs jours dans le salon, il était interdit d'y toucher. Il y avait des systèmes de trappes, d'ouvertures, différents espaces. Tout devait être compact, très imbriqué.
Ses "enclos" se faisaient avec des livres, des meubles, des objets... tout ce qu'elle trouvait dans la maison.
On retrouvait aussi parfois de drôles d'installations, souvent avec des jeux de symétrie, ces installations étaient toujours très visuelles. Elle nous racontait les histoires d'un monde où les objets prenaient vie. La forme de l'objet, sa couleur, sa texture lui conférait une personnalité spécifique. Tout était très pensé et recherché.
Forcément, une fois que la psychologue avait mis en lumière tout cela, le diagnostic semblait évident: un trouble du spectre autistique. Avec, sans grand doute, un haut potentiel intellectuel. Selon la psychologue, il semblait que ça me concernait aussi.
Nous étions à la fois sous le choc, épuisés par la phobie scolaire et par toute l'énergie qu'un enfant atypique nécessite mais soulagés de voir l'évidence. Nous allions pouvoir apprendre sur le sujet et nous adapter.
J'ai énormément lu sur ce thème en peu de temps pour tout intégrer, c'était même devenu un intérêt spécifique.
La première mesure que nous avons prise a été de déscolariser Lili-Rose. Quand on comprend le fonctionnement autistique, on se rend compte qu'il est à l'opposé de ce qu'on attend d'un élève du système scolaire traditionnel, d'où la phobie de Lili-Rose. Nous sommes donc passés en "ief" (instruction en famille) ou appelé "école à la maison". A mesure que Lili-Rose pouvait aller à son rythme, selon ses particularités, les crises de colère ou d'angoisse s'espaçaient.
Mais une fois cela géré, pas facile de répondre aux questions de la famille, des amis, aux peurs de chacun, voir à leur scepticisme. Il faut dire qu'une petite fille avec un trouble du spectre autistique est bien souvent sage et rangée face aux autres. Les neurones miroirs, plus présentes chez les filles que chez les garçons, lui ont permis depuis toute petite de reproduire par mimétisme le jeu social, même avec timidité.
Dans un premier temps, nous avons décidé de nous engager dans le parcours du diagnostic, aussi pour être sûr de ce dont il s'agissait. Au passage, un TDAH a été relevé, grâce aux tests. Nous pensions que plus nous en saurions, plus nous aurions l'assurance et les mots, face aux autres et à Lili-Rose, pour comprendre et faire comprendre le monde autistique.
Le diagnostic est un parcours du combattant, il a fallu plus d'un an et demi pour le finaliser. Nous avons fait beaucoup d'aller-retours à Paris, sans compter la difficulté de faire passer des tests à un enfant en plein trouble anxieux généralisé, à une petite fille qui a déjà pris l'habitude de camoufler ses traits autistiques. Heureusement, nous sommes tout de suite tombées sur des personnes pointues dans leurs domaines.
J'ai enchaîné avec mon propre diagnostic, lui aussi a été éprouvant, il a duré 2 ans. Je me souviens du jour où tout cela a été derrière nous, ma sortie du cabinet du psychiatre, avec le diagnostic posé noir sur blanc. Nous avions l'impression d'une nouvelle vie qui s'ouvrait à nous, débarrassée de tous sentiments d'imposture, de flou ou de culpabilité. Comme-ci ce document nous permettait d'être légitime dans cette société, d'y prendre notre place, même à part. Dans un autre type de société, il n'aurait peut-être pas été utile...
Ce diagnostic permet et permettra aussi à Lili-Rose d'accéder à des aménagements, si un jour elle souhaite poursuivre des études en enseignement supérieur, (des cursus spécifiques pour les personnes avec autisme s'ouvrent dans certaines écoles et facs); des écoles de conduites ouvrent aussi des créneaux tant certains apprentissages demandent de l'adaptation, sans compter les aménagements nécessaires, si un jour, elle travaille en entreprise (ce qui m'étonnerait beaucoup, sinon la sienne ; ).
Pour tout cela et bien d'autres choses, un diagnostic nous a semblé nécessaire. On peut bien entendu s'en passer, c'est un choix propre à chacun.
Lili-Rose a ensuite écrit un livre pour expliquer son quotidien de personne autiste à ses amis, cela a terminé son sentiment de libération. Dès lors, notre vie créative a poursuivi son joyeux rayonnement, jusqu'à en être démultiplié !
Lili-Rose poursuit ses apprentissages à l'aune de ses spécificités mais ça, ce sera l'objet d'un prochain article.
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